mardi 11 septembre 2012

On en reparle quand tu auras des enfants

Cette phrase, jeune pas encore parent, ou pas parent tout court si ça n'est pas dans tes projets (je déteste le terme nullipare, mais si tu as une autre appellation plus cool à me proposer n'hésite pas), tu l'as entendu, déjà, sûrement. Et le mot HAINE s'est inscrit en lettres de feu devant tes yeux aussi sec, te poussant à détester proprement cette race de gens prétentieux qui ont l'impression d'avoir compris le sens de la vie depuis qu'ils ont mis au monde un mioche.

Vu que cette phrase je l'ai déjà prononcé (BOUUUUH !), et que ça m’embête un peu que tu penses qu'on est tous des gros crétins qui se la racontent, et qu'en plus je ne pense absolument pas savoir quoi que ce soit de mieux que toi au sens profond de la vie, je vais essayer de t'expliquer le pourquoi du comment. Peut-être que tu auras juste envie de me jeter des cailloux, mais ça me tient à cœur.

D'abord, une chose, il n'y a aucune prétention dans cette phrase, je pense qu'aucun parent (enfin si, sûrement, mais pas moi par exemple), ne se sent supérieur à toi en disant ça. En fait, il aimerait bien pouvoir revenir quelques années/mois en arrière, pour dire exactement la même chose à son lui d'avant. Pourquoi ?

En fait, l'éducation ça semble un truc assez simple, basé sur nos valeurs, et la manière dont on visualise notre futur enfant (même quand on n'en veut pas, j'imagine qu'on se dit qu'il serait comme ça ou ferait comme ci), sauf que pas vraiment. Je ne sais pas si ma comparaison est foireuse, mais ça ne viendrait pas à l'idée de quelqu'un de reprendre quelqu'un qui a vécu 10 ans dans un pays en lui disant qu'il se plante complètement sur le dit pays, alors que nous on y a passé 15 jours de vacances (on peut ne pas avoir la même vision que lui, mais ça ne veut pas dire qu'il a tord).

En éducation, donc, il y a la vision qu'on en a, puis la mise en pratique. Dès que ta progéniture vient au monde, bah elle te pète tout.

Un bébé, ça piétine, et ça réduit en miette, tous tes plans. Il sera forcément différent de ce que tu avais imaginé, mais toi aussi, va falloir que tu fasses les choses différemment.

Deux cas de figures dans lesquels j'ai prononcé (ou eu très envie de prononcer) cette phrase.

Le 'C'est que du bonheur style' ou 'Tu as cette immense chance d'avoir procréé et puis tu as choisi alors ferme ta gueule'

Celle-ci provient en général de gens qui aimeraient bien avoir des enfants là tout de suite maintenant (j'ai pu noter, et vivre ça d'ailleurs, que l'envie d'enfant, finit par te bouffer le cerveau -oui parce qu'en vrai ça fonctionne rarement aussi facilement que dans tes cours de science nat- tu es complétement obsédé et SURTOUT tu deviens irrationnel. Du coup si on te dit qu'avoir un bébé c'est aussi en chier, tu te bouches les oreilles en criant très fort. Quand le nain sera là, tu te demanderas pourquoi personne ne t'a prévenu. Le cercle de la vie).

Même si on a effectivement choisi d'avoir un enfant (ce qui n'est pas toujours le cas, d'ailleurs, enfin si à un moment donné on fait quand même ce choix), et si on aime nos enfants de toutes nos tripes, et qu'on ne reviendrait en arrière pour rien au monde, bah des fois on craque. Parce que ça ne ressemble pas du tout à ce qu'on avait imaginé. Parce que notre enfant ne dort jamais/recrache tout ce qu'on essaie de lui faire avaler/pleure tout le temps/hurle tout le temps/fais des conneries/ la liste est longue.

Si les enfants nous font ressentir un amour complètement fou, et savent nous rendre incroyablement heureux, y'a des moments où ils te rendent juste dingue. Être parent c'est repousser perpétuellement les limites de sa patience.

Et puis il y a aussi le fait que, même si chacun gère ça avec plus ou moins de détachement et donc de facilité, tu ne peux pas imaginer à quel point ta vie sociale va crever à petit feu. Même en étant capable de le laisser à droite à gauche sans culpabiliser, tes sorties resto n'auront plus jamais la même fréquence, tes weekend en amoureux la même spontanéité, et tes soirées entre potes la même saveur (ni surtout la même régularité, surtout quand tu es parmi les premiers du groupe à enfanter). Et on a beau s'y préparer, bah c'est dur, un peu.

Et donc oui, des fois, le parent craque. Et quand on craque, crois-moi, vaut mieux le matérialiser avec des mots. Par exemple quand les nains me gavent très fort, et que j'ai un peu envie de les envoyer sur le balcon se rafraichir les idées, j'envoie un texto à leur papa, à chaque fois. Prendre ces 30 secondes pour extérioriser, ça détend vraiment, et ça calme. Et des fois je le fais avec d'autres, parce que mon mec n'a pas que ça a faire. Y'a vraiment des moments où on est a deux doigts de craquer (j'ai déjà fondu en larme à cause des nerfs hein), et je pense qu'il vaut mieux dire qu'on en chie, que de sourire et de craquer pour de vrai.

En plus, comme je t'ai dit, on aimerait souvent revenir en arrière pour prévenir le nous d'avant, alors on en parle pour que les autres ne nous disent pas 'pourquoi personne ne m'a rien dit ?'.

Le problème étant donc, que certains te renvoient assez violemment à la gueule que tu es un parent pourri si tu oses dire que des fois ta progéniture est plus que relou à base de 'et bah moi j'aimerais bien en chier comme ça HEIN' (ce qui veux en fait dire qu'ils aimeraient bien avoir des enfants et que toi tu as cette immense chance alors tais-toi parce que là tu racontes n'importe quoi, tu en rajoutes et en vrai c'est génial du matin au soir et du soir au matin). Je sais à quel point c'est dur de ne pas avoir d'enfant quand on en a envie, mais je te jure que la personne en face de toi ne pense pas une seconde qu'elle est mieux que toi parce qu'elle a cette chance. Mais doit-on fermer sa gueule et te dire 'oh c'est génial c'est un bonheur sans nuage j'aime tellement ça je pense que je vais en faire 12', juste parce que c'est ce qu'ils ont envie d'entendre ?

* Je ne parle bien entendu pas là des gens qui se plaignent perpétuellement de leurs enfants, là c'est relou. Mais y'a un juste milieu, des fois c'est infernal mais c'est surtout beaucoup de bonheur.n 

Le 'Ouais quand même moi je ferais AUTREMENT (et mieux)'

Nous aussi on pensait qu'on allait être des parents trop super. On avait tout calculé. Jamais nos gosses n'auraient moufté au resto, jamais un caprice dans un supermarché. Il aurait fait ses nuits à un mois dans sa chambre parce que merde. Tout ça tout ça.

Il n'y a pas encore longtemps on m'a sorti 'je pense que j'élèverai mes enfants un peu comme toi...à part que je trouve que tu n'as pas assez d'autorité' (j'avais rien demandé, hein).

Premièrement, sache que le parent, quand tu es là, il a envie de pouvoir faire une phrase complète. Et pour faire une phrase complète bah faut qu'il arrête de gueuler 30 secondes. Et puis c'est pas souvent qu'il peut se poser prendre un thé, donc il se relâche un peu, et si le nain fait des petites conneries aujourd'hui, bah c'est pas si grave, buvons du thé, mangeons des gâteaux, et parlons d'autre chose que d'érythèmes, de marques de biberons et de ce nouveau jouet à la mode.

Dans la vraie vie, seule avec mes nains, par période, je passe mes journées à gueuler (avec la grande hein, le ptit il a encore quelques mois devant lui). Parce qu'elle n'écoute rien, s'en contrecogne, et refait perpétuellement les mêmes conneries. Mais ouais nan, quand je suis avec du monde, je n'ai pas envie de perpétuellement jouer au mauvais flic. Et je calme un peu le jeu.

Ensuite, les enfants sont des tyrans. Sérieusement. Ils savent jouer avec tes nerfs avec un art naturel complètement dingue, te testent à longueur de temps, et sont des pro de la manipulation. Et puis ce sont des êtres humains hein, ils ont une volonté, un caractère. Donc oui, tu révises un peu ta manière de faire. Tu ne vas pas au resto avec eux parce qu'ils ne sauront pas se tenir, tu évites le rayon des jouets (bon nous y'a aussi celui du pain, et elle le repère à 20 mètres, elle souffre d'une légère addiction). Tu revois tes priorités, et la manière dont tu voyais les choses. Il y a des choses sur lesquels je n'ai pas cédé (les faire manger sainement par exemple), d'autres où j'ai laché l'affaire. Mais je me remets tout le temps en question, j'adapte, j'essaie de m'améliorer. Que les choses se passent au mieux. Mes enfants sont comme tout le monde, ils ont et auront des défauts. Et sérieusement, la plupart des gens qui me voient avec mes enfants me disent que je m'en sors bien, que j'ai des enfants cools, débordant d'énergie certe, mais qui savent être sages quand il faut et sont vraiment gentil. Alors je crois que je m'en sors pas trop mal, comme maman.

 Et oui avouons-le, j'avale assez mal la pilule quand quelqu'un qui n'a pas connu cette grosse claque dans ta confiance en toi et dans l'image que tu te faisais de toi-même en tant que parent qui assurerait forcément vient me dire que je n'ai pas assez d'autorité. Je sais qu'elle ne pense pas à mal et que j'aurais sans doute pensé la même chose à l'époque. La différence c'est que je ne l'aurais pas dit, parce qu'au fond l'autorité avec ses enfants je ne savais pas ce que c'est.

Mais, parce que j'ai compris que cette phrase blessait ou gavait, je ne la prononce pas ou plus (je l'ai très peu prononcé en fait, seulement quand on me faisait la morale agressivement sur le fait que je n'ai pas le droit de dire que mes enfants me gavent parfois). Ce qui n’empêche pas de penser très fort en moi-même 'on en recause dans quelques années'.

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